Reportage Yamaska- L’Origine

Pour débuter mes recherches au sujet de la rivière, je devais d’abord me pencher sur la question étymologique. Je me suis demandée d’où le mot Yamaska tirait son origine…
 
Comme j’ai un grand ami à moi, Philippe Charland, qui a fait son Doctorat en toponymie de la langue Abénakise, je me suis dit qu’il était le mieux placé pour m’éclairer sur la question.
 
Entrevue avec Philippe Charland, Docteur (Ph.D.) en géographie. Spécialiste en histoire et géographie autochtone (toponymie autochtone, occupation territoriale, linguistique autochtone, cartographie, chaînes de titres, étude de cartes géographiques anciennes). Enseignant de l’histoire des Autochtones du Canada et de la langue abénakise. Expert dans le recensement et l’interprétation de la toponymie autochtone (langues algonquiennes) comme source d’informations historiques sur l’occupation territoriale:
 
-Philippe, tu es spécialiste de la langue parlée par les autochtones qui habitaient le long des berges de la Yamaska. Le sujet que je voulais développer avec toi est celui-ci: Pourquoi avoir nommé la rivière Rivière Yamaska? Que signifie Yamaska? Et finalement, quel est le malentendu en ce qui a trait à ce terme?
 
-On parle du toponyme Yamaska en français qui est associé à la rivière. En fait, c’est un toponyme d’origine autochtone qui est apparu au 17e siècle. C’est évidemment les Français qui ont utilisé ce terme-là pour désigner la rivière, mais c’était un terme qui était probablement à l’origine algonquine et non pas algonquienne. Le terme que l’on voit, au départ, sur les cartes, c’est Ouabmasca sipi. Donc c’est (probablement): la rivière où il y a une roche blanche, en quelque part, qui se trouve là. On ne sait pas où exactement, mais normalement quand on nomme des rivières comme ça, c’est à partir d’éléments géographiques qui se retrouvent sur la rivière. Donc, il y avait probablement un endroit en quelque part sur le bord de la rivière où il y avait de la roche blanche, c’est l’analyse que nous avons trouvée en regardant le toponyme en tant que tel. Les premières fois que l’on voit le toponyme, c’est au 17e siècle, et il s’est évidemment modifié au fil du temps pour devenir Yamaska. Il a été interprété au départ de différentes façons, mais au départ c’était vraiment ça. C’est dans la langue algonquine. Les Abénakis ont repris le terme, ils l’ont modifié un peu. L’origine au départ n’était pas en Abénaki. Est-ce que tu souhaites avoir d’autres détails?
 
-Merci, c’est très clair. Mais finalement, quel est le malentendu? Car partout où l’on cherche l’origine du mot Yamaska, ça nous mène à l’explication: Là où il y a des joncs.
 
Ah! Ça c’est évidemment un problème avec la toponymie. C’est que, quelqu’un dit quelque chose et tout le monde le reprend après un peu. Un espèce de jeu de téléphone. C’est quelque chose qui date du 19e siècle. Dans une publication à l’intérieur d’un journal, il y a eu une question posée tout d’un coup. En fait, c’est comme un journaliste qui s’adresse au public pour savoir: Est-ce que quelqu’un sait l’origine de tous les toponymes, en fait, d’un paquet de toponymes dans la vallée du Saint-Laurent? Kamouraska, Yamsaka…en tous cas, tout ce qui a l’air autochtone… Un missionnaire de l’ouest, qui parlait Crie, a répondu et a donné des significations à tous ces toponymes-là, mais il a fait son analyse à partir d’une autre langue. Donc clairement, il a interprété tous ces toponymes à partir de la langue Crie, donc a donné une fausse interprétation. Ça a été repris, repris, repris… donc quelqu’un aurait pu demander, au départ, aux autochtones ce que signifiaient ces toponymes-là, mais ce n’est pas ce qui a été fait.
 
-Toi, au courant de tes recherches, lorsque tu faisais ton Doctorat, est-ce que tu l’as vu cet article?
 
-Oui. Et c’est un truc dans le milieu du 19e siècle. Ça ressemble à des médias sociaux de l’époque. Les articles ne sont pas nécessairement signés. Il y a beaucoup de questions posées comme ça. Et le monde se met à répondre. Ils envoient leur réponse la semaine d’après. Ça s’est passé vers 1850 quelques..
 
-Depuis ce temps-là, l’erreur est restée.
 
-Je ne pense pas que les gens sont si intéressés que ça à le savoir. Une fois qu’ils ont une signification, ils sont contents avec ça, même si ce n’est pas vrai. Ce n’est pas grave, ça fini par faire partie de l’Histoire. La fausse signification devient l’affaire historique, ça fait tellement longtemps que ça existe, ça devient comme la vérité et ils ne peuvent pas croire que ce n’est pas ça. Et ils ne voudront pas changer d’idée. C’est tout.
 
-Merci Philippe! Merci de m’avoir accordé de ton temps. C’est très gentil à toi.
 
-Ça fait plaisir Annie Joan!
Catégorie : Dessin, Nouvelles, Reportage

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